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PARSIFAL - Genèse

 

Parsifal de Prémontré n’était pas un nom facile à porter. Un cadeau empoisonné, en fait. Il se situait à la fin d’une lignée décadente depuis ses premiers errements, et il le devait à l’inconséquence de son membre fondateur, Perséphonée de Prémontré. L’aïeul, dont personne n’avait jamais entendu parler, n’était illustre qu’à un titre aux yeux de sa famille. Pour le reste, ils l’avaient complètement oublié. Perséphonée avait inscrit au sommet de l’arbre généalogique la devise originale de la famille de Prémontré : Jamais femme tu n’épouseras.

 

Il peut sembler étrange à vos yeux de lecteurs modernes de lire qu’un homme eut décidé par sa devise d’annoncer un mode de vie qui, s’il le respectait, signifierait renier à sa descendance le droit d’exister. Rassurez-vous, aux yeux des contemporains de Perséphonée, cette devise avait eu tout aussi l’air absurde. La logique cartésienne qui anime notre raison se révolte face à cette provocation de l’ancêtre car par déduction des faits, il ne pouvait y avoir qu’une seule conclusion à cette tonitruante déclaration : l’homme avait dû vouloir mentir pour faire rire. Il aurait inventé une forme de bravade tout à fait nouvelle en adressant ce défi à sa descendance qui n’était pas encore née. En apostrophant la postérité, il déjouait d’un gigantesque pied de nez un présent qu’il abhorrait. Enfin, c’est ce qu’il croyait.

 

Les raisons pour lesquelles Perséphonée n’avait pas voulu prendre femme ne furent jamais élucidées. Il n’a laissé aucune trace, ou ses lettres auront toutes brûlées. Mais en extrapolant de sa devise son manque total d’intérêt en l’avenir, on peut pencher pour la première hypothèse. Sauf qu’à défier l’ordre naturel, en refusant d’apporter sa contribution à faire persister la race humaine sur notre bonne vieille Terre, il avait déclenché la pire des colères, celle de la Déesse de toutes les Féminités. Outragée par cet homme qui lui refusait son rôle de Mère tout en comptant bien profiter au maximum de Ses plaisirs préliminaires, la Déesse de toutes les Féminités devait-elle être considérée comme une sérieuse prétendante au titre de ce qui allait arriver à toute la lignée des Prémontré? Personne ne pourrait le dire, seuls les faits peuvent parler, et voici ce qui est arrivé : Perséphonée fauta dans ses vieux jours, terrorisé par la mort. Cette dernière étape vers la solitude lui fut trop difficile à supporter. Il eut un fils à qui il fit jurer de prendre, et tenir, la devise de la famille car bien sûr, il regrettait.

 

Son fils à son tour fauta, éloigné de son père par des années de misère si noires que tous ses principes semblaient bien dérisoires face à la faim qui lui tenaillait les entrailles. Il prit femme pour manger, car la capacité à travailler dur de celle qu’il avait choisie rapportait au logis de quoi se sustenter. Il est aussi plus facile, à deux dans un lit, de se réchauffer. Et ce qui devait arriver arriva, un enfant naquit. Un fils, qu’il répudia aussitôt, moins parce qu’il ne pouvait le nourrir que parce que la devise de son père lui était revenue, douloureuse jusque dans sa chair, comme marquée au fer rouge.

 

Le sort en était jeté. Toute la descendance de Perséphonée serait uniquement masculine et fauterait infailliblement, malgré les conjurations répétées de tous les pères à leurs fils. Parvenu jusqu’à la treizième génération de la lignée, la malédiction avait mis au monde Parsifal de Prémontré. Pourtant, lié par cette allégeance ancestrale, animé d’une ferveur acharnée, fruit de l’expérience par toute son ascendance accumulée, Parsifal semblait en passe d’accomplir la volonté que son aïeul avait prononcée, puis bafouée, puis transmise à ses héritiers.

 

C’est ici que commence son histoire.

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